Obscène, c’est-à-dire ob scena, en dehors de la scène. Représenter une petite fille est-il en soi un acte obscène ? Ou bien est-ce l’intention de celui qui l’observe à entraîner le modèle vers l’abysse, humain et éthique ? Mais les photographies de Letizia Battaglia – depuis longtemps – sont obscènes dans la mesure où elles révèlent ce que le regard survole : la beauté et la vérité. La photographe est dernièrement au centre d’une polémique.
En effet, au cours de l’année 2020, Lamborghini a lancé une campagne publicitaire dans toutes l’Italie : « With Italy, For ITaly ». 21 photographes italiens, reconnus internationalement, ont participé pour offrir une vision de la beauté des paysages italiens et d’une voiture de la marque automobile de luxe. C’est Letizia Battaglia, la célèbre photographe connue pour ses photos sur la mafia, qui a été choisie pour représenter Palerme. Les femmes et les jeunes filles occupent une place importante dans les œuvres de cette photographe féministe. Mais ses photos pour Lamborghini en ont contrarié certains.
Letizia Battaglia se confie à Cristina Battocletti pour IF. Et si, en dehors de la scène photographiée par Letizia qui met en scène une enfant, il n’y avait rien d’autre que la nudité d’une automobile très coûteuse et inaccessible et celle d’une Italie qui cherche à se draper de morale ?
Dans un pays normal, il serait à la rigueur possible de se demander si les photographies de Letizia Battaglia sont esthétiquement, poétiquement et stylistiquement belles et cohérentes ; s’il y a, dans ces photographies, le pouvoir du regard et la pureté de l’intention. Le goût et la morale n’ont rien à voir là-dedans, pourtant c’est sur cela que porte le débat. Même si l’Histoire (en particulier celle de l’Italie), nous enseigne que l’unique bataille cohérente est celle de la beauté.
Il n’est pas anodin que, pour se dévoiler, Lamborghini ait choisi, parmi d’autres, Letizia Battaglia. Nous avons le privilège d’avoir les deux en Italie. Mais nous avons aussi la très mauvaise habitude de souvent nous concentrer sur un faux débat, car nous confondons le concept de la morale et celui de l’éthique, et nous préférons parler de ce qu’il n’est pas très bien de faire en nous taisant sur ce qu’il ne faut pas faire.
« La Lamborghini m’appelle pour photographier l’Italie, avec vingt autres photographes. J’ai toujours photographié ce que je voulais, ce que je voyais. Je photographie souvent des jeunes filles, personnellement je n’en ai rien à faire des voitures, je n’ai même pas le permis. J’ai pris trois petites filles et je les ai mises devant la Lamborghini. Elles tournent le dos à la voiture. À peine les photos étaient-elles dévoilées qu’un groupe de photographes de Catania me tombe dessus. Pendant le débat, un mot ressort, terrible : pédophilie. Mes amies féministes commencent à m’attaquer ».
Le reste est le récit d’un débat public qui a porté Lamborghini à retirer les photographies de sa campagne et qui a poussé l’Italie à s’interroger sur le concept équivoque et débattu de laïcité.